L’histoire de la marque d’accessoires Boyy est digne d’un conte de fées moderne. Elle: Wannasiri Kongman est née et a grandi en Thaïlande. Après ses études à Washington D.C, elle s’est installée à New York où elle travaillait la journée dans un restaurant et, le soir, elle prenait des cours dans une école de mode. Lui: Jesse Dorsey, né au Canada. Il a percé dans la Big Apple en tant que musicien et producteur. Elle, obsédée par la mode et capable de lui citer le nom de tous les sacs qu’elle voit dans les rues de New York. Lui, qui l’encourage à concevoir les siens. Aussitôt dit, aussitôt fait. En 2006, peu après sa première rencontre, le couple fonde le label d’accessoires Boyy, dont le nom s’inspire du surnom de Wannasiri quand elle était enfant. Le tout premier sac du couple, le Buckle Bag avec son énorme boucle de ceinture, se retrouve directement au bras des rédactrices de mode, des modèles ainsi que des blogueurs, et se fait connaître en ligne des fashionistas du monde entier. Quasiment du jour au lendemain, ce sac acquiert le statut de it-bag. On connaît la suite.
COUP DE COEUR
Wannasiri Kongman et Jesse Dorsey ont plus qu’une vie et un amour en commun: ils dirigent ensemble le label d’accessoires Boyy. Retour sur seize années de symbiose.
Concrètement, cela a mené à la création de différentes collections de sacs, à un élargissement de l’assortiment de produits avec des chaussures et des accessoires, à un flagship store à Milan et à cinq autres boutiques à Bangkok. À cela s’ajoutent des bureaux en Europe et en Asie, plusieurs filiales dans les concept stores les plus tendance du monde, mais également la naissance de leur fils Jade, aujourd’hui âgé de sept ans. Et tout cela en 16 ans.
En juin 2023, les deux fondateurs de la marque sont assis avec nous sur un canapé en velours violet dans leur grande maison milanaise, et nous confient avec le recul: «Il s’est passé tant de choses si rapidement, nous ne savions rien de rien.» Serait-ce de la fausse modestie? Nous avons une heure pour percer à jour le secret du succès de ce couple influent. Ensuite, Wannasiri et Jesse doivent se rendre à Paris pour la Fashion Week.
BOLERO L’histoire de Boyy a l’air presque trop belle pour être vraie. Wannasiri et Jesse se sont rencontrés à New York; aucun des deux n’avait d’expérience dans la mode, mais ils avaient la vision d’un sac. Ils l’ont fait produire à Bangkok et l’ont commercialisé depuis leur salon à New York jusqu’à ce qu’il devienne un it-bag mondial. Soyons francs: qu’est-ce qui a permis un tel succès?
Jesse Dorsey C’est un mélange de plusieurs éléments: un design original, une excellente qualité et un bon timing – et Wannasiri qui, en tant que native de Thaïlande, a secoué la mode à l’étranger. À Bangkok, elle a pu compter sur son excellent réseau et apparaître régulièrement dans les magazines grâce à son style. Lorsque nous avons commencé Boyy, tout le pays était extrêmement fier qu’une Thaïlandaise ait du succès au-delà des frontières. Là-bas, Wannasiri fait presque figure de pionnière. Après tout, aucun designer n’était parvenu auparavant à se faire un nom à l’international.
Wannasiri Kongman À New York, il y a le créateur de mode Thakoon Panichgul, mais il a grandi aux États-Unis, ce qui fait une grosse différence. C’est un Américano-Thaïlandais, mais il se considère comme un «designer originaire de New York». Il n’a pas de lien direct avec la Thaïlande en dehors du sang qui coule dans ses veines.
JD Tous ces facteurs ont contribué à créer une sorte de culte autour de la marque, une fascination et une communauté. Et nous travaillons encore sur ces points.
Wannasiri, vous aviez 21 ans lors de votre première visite à New York. Quelle a été votre impression?
WK À cette époque, j’étudiais à Washington D.C. et je faisais partie d’un grand groupe de jeunes Thaïlandais qui allaient à l’école, travaillaient en parallèle dans des restaurants et faisaient des sorties ensemble. Puis, un jour, je suis partie en week-end à New York avec une amie. Dès le premier jour, j’ai décidé qu’un jour je vivrais là-bas. J’adorais la mode et, à Washington, il ne se passait pas grand-chose dans ce domaine. À New York, j’ai trouvé tout ce que je m’étais imaginé sur les États-Unis. Lorsque je m’y suis finalement installée, j’ai d’abord dû mettre en place une stratégie de survie.
Racontez-nous!
WK Je me sentais seule. À New York, tout le monde est toujours très occupé. Et les gens ont tendance à ne pas sortir de leur cercle d’amis. Rencontrer de nouvelles personnes n’est pas facile. Je me souviens que, après mon arrivée, j’avais appelé une connaissance pour lui proposer d’aller dîner ensemble. Cette personne m’a répondu qu’elle avait des choses à faire et qu’on pourrait se voir seulement à partir de la semaine suivante. Cela m’a quelque peu déroutée, car nous habitions seulement à quatorze rues l’un de l’autre. Dans ma culture, cela fonctionne totalement différemment. Puis j’ai commencé à acheter «Page Six» et à regarder où les gens cool sortaient. Je me suis donc rendue dans ces endroits, mais seule. Je dansais alors jusqu’à trois heures du matin, puis je prenais un taxi pour rentrer. C’est à cette époque que j’ai appris à survivre.
Jesse, à cette époque, vous étiez musicien. À quoi ressemblait votre vie?
JD Au sein de l’industrie musicale, j’ai effectué quasiment tous les jobs imaginables, ce que l’on fait généralement pour garder la tête hors de l’eau à New York. Mon cercle d’amis se composait d’un mélange de différentes industries créatives. À l’époque, les personnes issues notamment de la musique, de la mode, de l’art ou du spectacle traînaient ensemble. C’était une autre ère, presque une renaissance de Warhol. Après le lancement de notre premier sac Boyy, ces contacts nous ont beaucoup servi.
Votre premier sac était le fameux Buckle Bag, qui, en peu de temps, est apparu sur la moitié des photos de street style. Comme passe-t-on aussi rapidement de rien au sommet?
WK Les sacs m’ont toujours fascinée. Déjà avant New York, je concevais mes propres sacs pochettes. Et après mon déménagement, je prenais des cours du soir au Fashion Institute of Technology (FIT), où je voulais apprendre le métier et me faire des contacts dans l’industrie de la mode. Malheureusement, nous ne réalisions que des vêtements, et les personnes qui fréquentaient le cours travaillaient presque exclusivement dans d’autres secteurs et souhaitaient simplement apprendre à coudre, en parallèle. Ce n’était pas ce que j’avais imaginé. Lorsque j’ai rencontré Jesse, j’ai très vite laissé tomber le cours (rires).
JD En réalité, nous avons fondé Boyy sans même savoir ce que c’était vraiment. Je faisais encore de la musique à côté. Nous avons tout simplement commencé par un design de sac et nous l’avons ajusté au fur et à mesure.
WK La situation a progressé lorsque, en 2005, je suis retournée vivre à Bangkok et que j’ai fait la connaissance d’un grand designer thaïlandais qui m’a demandé de concevoir un sac pour sa collection de défilé. Je n’avais aucune idée de comment ça marchait, mais j’avais une vision claire de ce à quoi le sac devait ressembler. Alors, j’ai accepté et j’ai commencé à dessiner. Lorsque j’ai vu le premier prototype du sac, j’ai tout de suite su: «C’est ça!» Il a rencontré un franc succès. Lors du show, les gens en coulisses demandaient déjà où ils pouvaient l’acheter. Je me suis alors tournée de nouveau vers Jesse et lui ai dit: «Je pense avoir trouvé matière à travailler.» Jesse a donc commencé à présenter le sac à New York et les choses ont suivi leur cours.
JD J’avais une amie qui travaillait pour le magazine «Visionnaire», qui était très branché à l’époque. Elle a ri lorsque je lui ai dit que j’arrêtais la musique pour me consacrer à la création de sacs à main féminins. Mais le design lui a plu et elle a passé quelques coups de fil. Quelque temps après, le «New York Times» m’a appelé ainsi que les acheteurs de Colette et Barneys. Avec de tels premiers points de vente, la marque s’est rapidement fait un nom.
Cela semble si facile pour vous. Pourtant, bâtir une marque demande de l’endurance et de la persévérance, n’est-ce pas? Il n’y a pas toujours que des moments magiques.
JD Et si, c’est justement ça: il y a toujours eu ces moments magiques. C’est arrivé, et même tout le temps!
WK Surtout au début. Tout était si fluide, une chose menait à une autre et cela nous donnait toujours plus d’énergie pour continuer. Nous ne réfléchissions même plus, parce que nous étions très occupés avec les commandes, la production et la vente. Nous avons toujours poursuivi sans relâche, encore et toujours.
JD Et c’est allé de plus en plus vite. Un jour, j’ai appelé mon père et lui ai dit: «Salut, papa, demain je rencontre des acheteurs du Japon. Au fait, comment ça marche? Comment est-ce que je conclus un contrat avec eux?»
WK Ce dont nous étions sûrs, c’était que nous voulions faire de la qualité et choisir les enseignes où vendre nos modèles. Nous avions une vision très claire et des critères très stricts.
La croissance de la marque allait de pair avec une popularité toujours plus importante sur les réseaux sociaux. Quels rôles jouent ces canaux pour vous aujourd’hui?
JD Ce ne sont pas seulement les réseaux sociaux qui nous ont propulsés au sommet. Les photographies de type street style nous ont aussi aidés. Je me souviens d’une Fashion Week à Copenhague pendant laquelle un Boyy Bag offrait quasiment la garantie d’être pris en photo.
WK À l’époque, une photo d’une vedette avec notre sac, c’était comme gagner au loto. Aujourd’hui, beaucoup de photos sont souvent trop mises en scène et artificielles. Très peu de personnes ont encore un bon style et surtout leur propre style. Mais, c’est vrai qu’à ce moment-là, cela a vraiment contribué à notre succès. J’aimerais toutefois souligner que notre motivation dépassait de loin la simple volonté d’être célèbres sur Instagram. Les réseaux sociaux n’étaient qu’une partie d’un tout. Tous les deux, nous ne sommes pas des «fils et fille de» et nous avons travaillé dur pour en arriver là.
Et pourtant, Wannasiri, des milliers de personnes du monde entier vous suivent sur votre profil Instagram personnel et vous voient lors de vacances en famille, au restaurant ou lors de l’anniversaire de votre fils. Vous montrez à plus de 70 000 abonnés de nombreux aspects de votre vie privée.
WK Les réseaux sociaux représentent cette relation amour-haine. J’essaie de ne rien forcer et de trouver un bon équilibre. Je ne veux pas m’ajouter du travail avec mon profil personnel, j’en ai déjà assez par ailleurs. Et en ligne, on voit tellement de choses que je ne peux plus tout absorber. J’adore la mode, toutes ses facettes, mais c’est devenu ma profession, ce qui change la perspective.
Vous avez commencé à Bangkok et à New York, et vous vivez aujourd’hui à Milan. C’est là aussi que vous avez ouvert votre premier flagship store en dehors de l’Asie. Où Boyy se sent-il chez lui?
JD Difficile à dire. Nous voyons plutôt les choses sous cet angle: notre marque suit notre vie. Boyy est comme notre enfant, très personnel. Ce n’est pas un produit quelconque issu de discussions entre investisseurs et qui doit simplement générer de l’argent.
Vous avez sûrement d’ailleurs déjà dû recevoir des offres d’investisseurs ou de conglomérats de luxe.
WK Nous avons déjà envisagé de telles offres. Mais surtout ces derniers temps, j’étais sûre à 100%: «Pas question!» Beaucoup d’histoires circulent. Intégrer un investisseur peut aussi signifier devoir tenir compte d’un avis qui n’est pas guidé par la passion. Et de telles décisions peuvent détruire une marque.
JD Nous n’avons pas complètement fermé les portes à ce sujet. Mais dans 90% des cas, les investisseurs empirent la situation. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons reçu aucun centime de l’extérieur, mais sommes quand même parvenus à multiplier nos revenus. Évidemment, nous réfléchissons aussi à agrandir la marque. Et si cela requiert par exemple un partenaire local, nous sommes ouverts à la discussion. Ouvrir seuls une boutique en Chine est tout simplement impossible.
À propos des boutiques, vous avez récemment ouvert un flagship store à Milan. Dans quelle mesure ces surfaces de vente sont-elles importantes pour votre marque?
WK Très importantes. Cela nous tient particulièrement à cœur de présenter notre marque et notre histoire dans notre propre environnement. Notre clientèle comprend ainsi beaucoup mieux la marque.
JD C’est aussi lié à notre segment de prix. Nous ne sommes ni une marque de luxe comme Hermès, ni une marque contemporaine chez qui les produits ont l’air de haute qualité, mais ne coûtent pas grand-chose. C’est pourquoi le contexte dans lequel nous présentons la marque fait une grande différence. Si on nous place à côté des marques de luxe, notre stock est rapidement épuisé, car nous sommes d’aussi bonne qualité, mais coûtons la moitié. En revanche, à côté d’une marque contemporaine, nous sommes trop chers et pas assez attrayants.
D’ailleurs, voyez-vous une différence de comportement chez la clientèle entre le marché asiatique et occidental?
JD Concernant le design, il y a des préférences très nettes. Les femmes asiatiques adorent les minisacs, alors que, en Europe, on opte pour de plus gros modèles. La perception de la marque diffère aussi beaucoup: en Europe, nous sommes encore une nouvelle marque. Certes, nous avons vendu dans les pays européens dès le début, mais si on y regarde de plus près, nous avons dû nous rendre à l’évidence: toutes nos clientes ici en Europe sont des touristes qui viennent en majorité d’Asie ou du Moyen-Orient. Venir en Europe, c’était pour nous comme repartir de zéro: 98 % de la population ne connaît pas notre marque ici.
La création d’un it-bag est-elle plutôt une malédiction ou une bénédiction? D’un côté, elle est synonyme de succès et d’argent, mais elle constitue une association éternelle qui n’est pas simple à gérer, lorsque l’on veut créer un nouveau produit, n’est-ce pas?
WK Je ne sais pas si nos clientes attendent un produit nouveau ou meilleur. Mais le succès continu de notre Buckle Bag m’a d’abord donné la marge de manœuvre et le temps pour tester d’autres styles. C’est un défi positif.
JD Dans un monde parfait, ce sac aurait évidemment atteint à un moment donné le statut d’un Birkin Bag d’Hermès. D’un point de vue réaliste, son parcours a déjà évolué, la demande s’est quelque peu calmée. Mais je souhaite évidemment que l’on n’oublie jamais ce sac! C’est pourquoi nous continuerons à le proposer, à l’avenir peut-être également dans des tailles plus petites.
Vous avez l’air d’être indépendants et de résister consciemment au rythme classique de l’industrie de la mode. Vous lancez vos collections à des intervalles irréguliers et plus longs que les autres, toujours quand vous le souhaitez. Est-ce que cela a déjà posé problème?
JD Notre marque a grandi dans un show-room à New York, où la norme était de sortir une nouvelle collection tous les six mois. À un moment donné, nous avons réalisé que nous ne devions rendre des comptes à personne, à part à nous-mêmes. À partir de 2010, nous avons présenté nos collections seulement en privé. Créer de la qualité requiert du temps. Mais pour répondre à votre question, non, cela n’a jamais été un problème. Tant que nos sacs se vendent bien, nous sommes contents.
Du temps, c’est aussi ce qu’il a fallu à la collaboration avec l’artiste danois Fos, avec qui vous avez conçu dernièrement votre nouveau flagship store à Milan. Jesse, vous racontiez lors du lancement de votre premier projet commun qu’il a été très difficile de le convaincre.
JD J’ai dû user de mes talents de persuasion, en effet. Comme il travaille assez retiré du monde, il a d’abord été compliqué d’entrer en contact. Fos est presque un mythe. Lorsque nous l’avons contacté en 2018, il sortait tout juste d’une collaboration avec Phoebe Philo pour le label Celine, pour lequel il a conçu des objets d’art. Un autre projet de mode l’intéressait peu, mais il a accepté de me rencontrer à Copenhague. J’étais terriblement nerveux! Je savais que ce serait mon unique chance de le convaincre. Je suis alors allé au Danemark et je lui ai pitché notre marque. Nous avons longuement discuté et nous nous sommes trouvé de nombreux points communs: notre âge, nos ancêtres, nos goûts musicaux. J’étais soulagé et avais bon espoir! À la fin de notre discussion, il a déclaré: «Bon, peut-être que je vais vous faire une lampe pour la boutique.» (Rires.)
WK Nous pensions: «Non, nous ne voulons pas de lampes, nous en avons déjà!» (Rires.)
JD Aujourd’hui, on en rit car, depuis, il s’est sacrément impliqué. Nous pouvons presque dire que nous avons redéfini les bases de notre marque avec Fos.
Le résultat de cette collaboration, la boutique sur la Via Bagutta à Milan, pourrait très bien être une galerie ou une installation artistique.
JD C’est justement l’idée directrice: repenser la boutique en tant que nouveau concept et aussi dépasser nos limites personnelles. Après avoir ouvert à la chaîne des boutiques pendant huit ans et toujours tout conçu nous-mêmes, j’avais le sentiment que nous avions atteint notre limite. Je voulais de la nouveauté. Mais pas juste en embauchant quelqu’un qui me concevrait une jolie salle. C’est comme ça que nous avons choisi Fos.
Qu’appréciez-vous dans la collaboration avec un autre artiste?
JD (Il réfléchit.) Fos est presque un professeur, pour moi. Il s’est entièrement consacré à sa vie d’artiste. Je sais que je porte aussi cette façon de penser en moi, mais de mon côté, il reste la partie commerciale qui veut vendre. Fos, au contraire, vit exclusivement dans son monde. À mes yeux, travailler avec lui représentait presque une expérience d’apprentissage. Et c’est exactement ce que j’espérais de ce projet.
Vous avez fondé Boyy peu après votre rencontre. Or, un sujet qui nous intéresse tous: quel est le secret d’une relation qui marche au travail?
JD S’il y en a un, on aimerait bien le connaître! Blague à part, non, nous n’en avons aucune idée.
WK (Elle réfléchit.) Lorsque nous avons fondé la marque, cela faisait peu de temps qu’on était ensemble et nous nous sommes redécouverts en tant que personnes. À vrai dire, Jesse m’a tout de suite fait porter le bébé! (Rires.) Boyy est effectivement comme notre enfant. Nous vivons et respirons avec lui. Et peut-être nous a-t-il parfois soudés. D’une manière ou d’une autre, Boyy a vu le jour. En tant que couple, nous avons passé nos rencards à nous occuper de nos to-do lists.
C’est d’un romantisme …
WK Je ressens une certaine magie et connexion lorsque nous réussissons quelque chose avec la marque, justement parce que c’est un peu comme notre enfant. Dans ces moments-là, je perçois une profonde satisfaction. Mais oui, notre romance va dans notre cas presque toujours de pair avec le travail. À moins qu’il ne me fasse un cadeau spécial... (Rires malicieux.)
JD Nous vivons une vie où nous sommes toujours ensemble, 24h/24! Nous voyageons ensemble, mangeons ensemble, faisons tout ensemble, qui a cette chance? J’en suis reconnaissant, même si cela complexifie parfois la relation. Il est compliqué de trouver la limite entre le travail et la vie personnelle.
Qui de vous deux fait le plus de compromis?
JD (Il lève la main sans dire un mot.)
WK Personne. Personne ne fait de compromis.
JD Moi. Avant, je luttais et même jusqu’à la dernière minute. Entretemps, j’en ai perdu l’envie.
WK Je lui laisse les tâches qui le passionnent plus, les boutiques par exemple, et le travail avec Fos. J’avais dit à Jesse: «Écoute, vous pouvez jouer là comme deux petits garçons sur une aire de jeu. Ma seule condition est une salle de stockage. Après tout, c’est quand même un point de vente.» Sinon, les deux avaient carte blanche.
JD Vous voyez, une gentille patronne!
Quelle force vous permet de continuer après toutes ces années et qu’est-ce qui déchaîne le feu en vous?
JD J’ai toujours adoré créer. Lorsque je faisais de la musique, j’adorais la partie production. Je savais parfaitement comment je devais former un tout à partir d’un groupe que je voyais et écoutais. Aujourd’hui, lorsqu’on me demande comment j’ai pu passer de la musique à la mode, je réponds toujours: c’est pour moi presque la même chose. La différence est le résultat: en musique, il est auditif et, dans la mode, il est visuel et tactile. Les processus sont en revanche pour moi presque identiques. Au lieu de chercher un son spécifique avec une batterie, je trouve aujourd’hui les bons fabricants de cuir en Italie. Je vois les choses dans leur globalité, à 360 degrés, et je peux leur donner vie.
WK Je suis passionnée par la vision et reconnais immédiatement le potentiel d’un produit. Je sais exactement de quoi un sac a l’air sur une personne. Je ne suis pas douée en dessin ou en fabrication, mais j’ai une intuition précise de ce à quoi les choses doivent ressembler. Pour le moment, mon flair ne m’a jamais trahie. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que je conçois des it-bags en permanence. Mais quand j’ai une bonne idée, je le sais.