Le directeur de création de la beauté Hermès nous parle de la puis–sance de la réduction à l’essentiel

TOUT EN UN CLIN D’OEIL

Pour Gregoris Pyrpylis, naturel égale sincérité. Le directeur de création de la beauté Hermès nous parle de la puis–sance de la réduction à l’essentiel.

Gregoris-Pyrpylis-by-Thomas-Chene

Lorsque nous avons rencontré Gregoris Pyrpylis pour notre interview virtuelle en juillet 2023, il s’apprêtait à prendre des vacances bien méritées: le Grec venait d’achever la conception des nouvelles palettes d’ombres à paupières qu’Hermès a lancées le 25 septembre. Après les lèvres, le teint et les ongles, les yeux ouvrent un nouveau chapitre du livre de la beauté de la marque traditionnelle française, avec six palettes de quatre nuances chacune, les mascaras assortis et des outils pour une application impeccable.

Gregoris Pyrpylis parle de sa spécialité de façon réfléchie, précise et imaginative, avec sincérité – une qualité qu’il entend incarner. «Le maquillage est un reflet fidèle de la personnalité et du monde intérieur», confie le créateur de 36 ans, entré chez Hermès en 2022 pour étoffer la gamme beauté. Son nom est donc associé à la beauté naturelle. Si cela vous évoque les tons nude, détrompez-vous.

Avec sa clientèle, dont font partie Lætitia Casta, Carla Bruni ou Alexa Chung, Gregoris Pyrpylis n’hésite pas à recourir au crayon à lèvres rouge ou à des accents colorés sur les paupières. Car, pour lui, le maquillage doit surprendre, à commencer par la personne qui le porte.

BOLERO À quand remonte votre premier souvenir lié à la beauté?

GREGORIS PYRPYLIS Probablement à un livre sur la mythologie grecque. C’est l’un des premiers que j’ai eus entre les mains, je devais avoir quatre ou cinq ans. En Grèce, tous les enfants qui apprennent à lire et à écrire découvrent ce livre. On y voit de magnifiques illustrations des douze dieux, comme Zeus, Athéna et Poséidon, et même de «méchants» protagonistes tels que Méduse, tous représentés de façon incroyablement esthétique et charismatique. Leur beauté était presque hypnotique. J’étais un enfant très visuel et plein d’imagination, et avoir une image liée à ces histoires constituait un cadeau.

Quel aspect du secteur de la beauté vous fascine aujourd’hui encore?

J’aime la liberté dont je bénéficie dans ce secteur. Je considère le maquillage comme une possibilité d’être son propre directeur artistique, d’exprimer ses émotions. Contrairement à ce qui se passe avec la mode, où on achète un produit fini, on est toujours l’auteur de son propre maquillage.

Qu’est-ce qu’un bon maquillage pour vous?

Lorsque je maquille quelqu’un, je ne vise jamais à rendre la personne aussi belle que possible. Je veux la révéler à elle-même. La personne doit se reconnaître dans le miroir, et ce, avec une certaine sincérité. Pour moi, la beauté ne réside pas dans des lèvres plus pulpeuses ou dans un trait parfaitement courbe sur les paupières, mais dans le fait de donner forme à l’âme. Je tends toujours à cette harmonie.

Une approche aussi personnelle requiert de l’empathie de votre part. Est-il utile de rencontrer la personne avant de travailler avec elle?

Absolument. Je prends toujours dix ou quinze minutes pour cela. Quelles sont les valeurs de la personne, que veut-elle transmettre? Une couleur vive a un autre effet si on a conscience de la vie intérieure de la personne. Le fait de se maquiller recèle donc, pour moi, une grande force.

Si, du moins, on sait comment cela fonctionne…

Le maquillage doit être quelque chose de ludique et de joyeux. Et si un look ne donne pas le même effet que dans les magazines, je conseille de l’enlever et d’essayer autre chose. Peut-être quelque chose de familier qu’on réussit à coup sûr. S’acharner ne mène généralement à rien.

Quelle image avez-vous en tête lorsque vous concevez un nouveau produit? Une personne en particulier, un look, un sentiment?

Je ne travaille pas avec des références spécifiques. J’utilise plutôt mon imagination. Comme elle est très développée, je peux visualiser un produit sur un grand nombre de personnes avec mon œil interne. Lorsque je vous regarde, je peux, par exemple, vous imaginer porter une certaine ombre à paupières de 20 façons différentes.

Vous êtes un partisan de la beauté naturelle. Que signifie exactement cette approche pour vous?

Gregoris Pyrpylis e n’entends pas, par là, la sobriété ou l’utilisation de tons nude, mais un reflet fidèle de la personnalité et du monde intérieur. Pour moi, naturel égale sincérité. Je me souviens que, un jour, pendant ma formation, l’enseignant nous avait demandé de trouver dans un magazine une image qui reflétait notre esthétique personnelle. J’ai cherché longtemps, avant de me décider pour une campagne typiquement épurée de Jil Sander. Aujourd’hui encore, je revois la photo de ce maquillage sobre et harmonieux.

Les palettes d’ombres à paupières que vous avez créées pour Hermès contiennent néanmoins des nuances plus voyantes. Quelle était votre idée de départ?

Chaque palette compte quatre tons qui se complètent: deux couleurs de base, un enlumineur, un accent de couleur. Ce dernier est censé susciter la surprise. Pour cela, je me suis fondé sur le point de rencontre entre les couleurs naturelles et les tons emblématiques d’Hermès, qu’on retrouve, par exemple, dans les vernis à ongles ou les crayons à lèvres. Du reste, cet élément de surprise est, pour moi, indissociable de la maison Hermès.

Vous inspirez-vous parfois de votre collègue Nadège Vanhee-Cybulski, qui conçoit les collections de prêt-à-porter féminin d’Hermès?

Les directeurs de la création chez Hermès, à savoir Nadège Vanhee-Cybulski pour la mode féminine, Pierre Hardy pour les chaussures, les bijoux et les objets de beauté, la parfumeuse Christine Nagel et moi, travaillons de façon relativement autonome. Mais il y a, bien entendu, toujours des points de convergence. Je consulte régulièrement les archives de la mode, je contemple les étoffes et leur texture. Celles du crêpe et de la soie m’ont inspiré pour la collection Le Regard. Pour moi, la soie s’apparente de toute façon presque au maquillage. J’ai déjà dit à des clientes: «Si tu n’oses pas encore utiliser un crayon à lèvres rouge, porte un carré en soie rouge.» Cela a un effet similaire sur le visage.

Le rythme de lancement de la gamme de beauté d’Hermès est plus lent que ce qu’on voit habituellement dans le secteur. Vos produits sortent par étapes, tous les six mois. Pourquoi?

De nos jours, l’offre de produits est colossale, ce qui me rend d’autant plus adepte de la réduction à l’essentiel. D’un côté, c’est dû à l’essence de la marque; de l’autre, c’est une question de respect, tant pour le produit que pour les clientes. Nous laissons à chaque chapitre – les lèvres, les ongles, le teint et, maintenant, les yeux – le temps de respirer.

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